Il y a 150 ans, le 24 mai 1871, les communards incendient plusieurs édifices dont l’Hôtel de Ville et le Palais de justice. Un acte aux conséquences irrémédiables pour la mémoire des parisiens.
24 mai 1871 : les registres paroissiaux et l’état civil de Paris partent en fumée
Le 18 mars 1871, les parisiens se soulèvent donnant naissance à la Commune de Paris. L'insurrection prend fin durant la semaine sanglante, particulièrement meurtrière, du 21 au 28 mai 1871. Le 23 mai, les grands incendies débutent. Le feu est mis volontairement le 24 mai à l'Hôtel de ville, à la Préfecture de police et au Palais de justice.
Le 31 mai 1871, le courrier du Gard consacre une grande partie de son journal aux événements de Paris :
« Une des craintes les plus vives est que l’incendie de l’hôtel de ville avait fait concevoir, était que l’immense collection des registres de l'état civil eût été détruite.
Nous pouvons rassurer à cet égard la population parisienne.
Par une pensée de prévoyance semblable à celle qui avait fait isoler le double du grand livre, les archives de l’état civil avaient été placées en dehors des bâtiments de l'hôtel de ville. Elles sont déposées dans les combles des immeubles consacrés à l’administration de l’octroi, qui sont séparés du palais municipal par toute l’étendue de la place et qui sont demeurés intacts. »
Malheureusement, les craintes étaient fondées. L’Univers du 8 juin 1871 fournit un bilan des destructions de documents et évoque l'état civil :
« Tous les doubles des registres de l'état civil, qui étaient au greffe du tribunal de la Seine, sont brûlés.
Les preuves de l'état civil de toutes les familles parisiennes viennent d'être détruites par les incendies qui ont couvert la ville de tant de ruines.
Les actes de l’état civil se rédigent en double minute : l'une reste dans la mairie où l'acte a été reçu ; l'autre, à la fin de l'année, est renvoyée au greffe du tribunal civil. Comme l'annexion de la banlieue, en 1859, avait eu pour conséquence de changer la circonscription des arrondissements de Paris, on avait apporté dans une des annexes de l'Hôtel de Ville tous les registres des premières minutes qui auparavant se trouvaient dans les anciennes mairies.
Tous ces registres ont été détruits par l’incendie du bâtiment annexe de l'Hôtel de Ville où ils avaient été placés. Les registres des secondes minutes ont été brûlés dans l’incendie du Palais-de-Justice. Le feu a aussi détruit, au greffe du tribunal, les registres des anciennes paroisses de Paris, qui contenaient les actes de l'état civil antérieurs à 1789.
Il ne reste donc à la ville de Paris que les registres des premières minutes depuis 1860, ces registres étant restés dans les mairies où les actes ont été reçus ; et encore ceux de la mairie du IVe arrondissement ont-ils été brûlés. »
Vers la reconstitution des actes d'état civil
Le 13 août 1871, les petites affiches de la revue judiciaire des cours et tribunaux annoncent que deux lois relatives aux actes de l'état civil détruits ont été votées les 11 et 22 juillet 1871.
La disparition des actes est préjudiciable pour les parisiens. Il faut par exemple obligatoirement fournir un acte de naissance pour se marier ! Comment faire lorsque tout à brûler ?
Les lois du 11 et du 22 juillet indiquent que "l'acte de naissance dont l'article 70 du code civil prescrit la remise et que les futurs époux, par suite de cette destruction des registres, seraient dans l'impossibilité de reproduire, pour être suppléé par l'attestation des père et mère, aïeuls et aïeules présents au mariage."
"En cas de décès des père et mère, aïeuls et aïeules, ou si aucun d'eux n'assiste au mariage, il pourra être procédé à la célébration sur la déclaration des futurs époux quant à l'époque de leur naissance, jointe à quelqu'une des pièces mentionnées ci-dessus, rendant vraisemblable la date indiquée et certifiée par les témoins du mariage."
"A défaut de toute pièce ou de tout document rendant vraisemblable la date de la naissance, il y sera suppléé par un acte de notoriété, dressé par le juge de paix…"
La reconstitution des actes
Il est décidé de reconstituer les actes et une loi est votée le 12 février 1872.
L’article premier indique que les actes de l’état civil de Paris et des communes y annexées en 1859, dont les registres ont été détruits pendant la dernière insurrection, seront reconstitués. Ce travail portera sur tous les actes antérieurs ou postérieurs à la loi de 1792 jusqu’en 1860, et, pour la mairie du XIIe arrondissement (Bercy), depuis le 1er janvier 1870 jusqu’au 25 mai 1871.
Une Commission, nommée par le Ministre de la Justice, est chargée de la reconstitution des actes mentionnés. Ces actes seront rétablis :
- D’après les extraits des anciens registres délivrés conformes
- Sur les déclarations des personnes intéressées ou des tiers et d’après les documents qui auront été déposés à l’appui
- D’après les registres tenus par les ministres des différents cultes, les registres des hôpitaux et des cimetières, les tables de décès rédigées par l’administration des domaines et toutes les pièces qui peuvent reproduire la substance de ces actes authentiques
Il est demandé à tous (individus et administrations) d’envoyer tous les extraits d’actes d’état civil.
La reconstitution est cependant longue et coûteuse. Certains demandent, comme en 1892, de limiter la reconstitution aux actes de naissance et de mariage postérieurs à 1820 et les actes de décès postérieurs à 1837.
Cette reconstitution est partielle puisque l’on estime que l’on a retrouvé 2 millions d’actes sur les 8 millions détruits.
Les archives parisiennes sur Filae
Le fonds Andriveau
Filae a numérisé et transcrit la collection des mariages du mythique Fonds Andriveau, permettant de reconstituer l’état civil de Paris détruit lors de la Commune.
Les fiches, réalisées à partir des registres paroissiaux avant l'incendie, concernent des mariages à Paris mais aussi aux alentours (Versailles, Saint-Denis…) de 1613 à 1792. Certaines fiches font référence à des actes notariés comme des donations ou des contrats de mariage. Des fiches sont aussi établies à partir de l’état civil pour recenser des mariages mais aussi des divorces de 1793 à 1855.
Les fiches de mariages sont la seule trace des actes originaux de l'état civil parisien partis en fumée lors de la Commune.
Les registres d'inhumation
les registres journaliers d'inhumation des cimetières parisiens sont maintenant indexés de 1804 à 1968 permettant de retrouver la sépulture d'un individu inhumé dans un des cimetières de la ville de Paris. Consultez notre article sur ces registres d'inhumation
L'état civil reconstitué
Lorsque vous cherchez des actes de l'état civil, vous allez trouver des fiches de l'état civil reconstitué. Ces fiches sont des index mais ne donnent pas de détails. Les archives de Paris ont mis les actes de naissance et de mariage reconstitués en ligne. Nous expliquons dans la FAQ comment accéder aux actes reconstitués.
Le fonds Coutot
Une autre source primordiale est le fonds Coutot, A partir de 1924, le généalogiste successoral Maurice Coutot entame un relevé systématique des actes de naissances, mariages et décès conservés dans les paroisses du diocèse de Paris et proche banlieue, datant du XIXe siècle. Au total, plus d'1 million d'actes sont compilés.
Henry Barbet de Jouy (1812-1896), le sauveur du Louvre
Joseph Henry Barbet naît le 16 juillet 1812 à Canteleu en Seine-Maritime. Il est le fils de Jacques-Juste Barbet et de Victoire Arnaud Tison. Son père dirigea la manufacture Oberkampf de toile de Jouy. En 1860, par un jugement du tribunal civil, le patronyme devient Barbet de Jouy.
Henry Barbet de Jouy devient archéologue, historien de l’art et conservateur de musée. Il travaille au Louvre lorsque les communards décident de mettre le feu au Palais-Royal et aux Tuileries. Voyant le danger, il fait tout pour protéger les collections du musée alors que Bernardy de Sigoyer dirige les opérations pour éviter que l’incendie ne se propage à la Grande galerie.
Il est promu officier de la Légion d’honneur le premier juillet 1872.
Henri Barbet de Jouy meurt à Paris 7e le 26 mai 1896.
Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise comme l'atteste le registre journalier des inhumations.