Celui qui entreprend sa généalogie va vite s'apercevoir qu'il travaille sur des populations extrêmement sédentaires. Dans 75 % des cas, les ancêtres d'un individu né vers 1900 se répartissent seulement sur deux départements : celui de son lieu de naissance et un limitrophe.
Une population homogène
La France n’était pas une terre d'immigration. Même les Francs qui ont donné leur nom au pays n'ont été que 50 000 à 100 000 à s'installer sur un territoire qui, aux dimensions actuelles, comportait déjà 7 à 8 millions d'habitants.
De l'an 700 jusqu'en 1800, le pays n'a reçu que très peu d'apports extérieurs.
La France est de loin le pays le plus peuplé d'Europe sous l'Ancien Régime. À la mort de Louis XIV, elle compte 22 millions d'habitants ; les îles britanniques réunissent au même moment à peine 7 millions d'habitants ; l'Espagne 7 millions aussi ; l'Autriche et ses possessions d'Europe Centrale à peine plus ; la Suède 1,5 million... Le XVIIIe siècle va conforter cette avance en marquant le début d'un extraordinaire essor démographique.
Sous l'Ancien Régime, ce sont plutôt les Français qui migrent à l'extérieur et peuplent de nouvelles terres : le Canada dès le XVIIe, les Antilles et l'Europe Centrale (le Banat, la Hongrie, la Galicie, la Lituanie, la Russie du Sud...) à partir du XVIIIe, etc. Sans oublier les départs dus aux persécutions religieuses : 200 000 à 300 000 protestants auraient ainsi quitté la France entre 1500 et 1800, l'exode connaissant son apogée après la Révocation de l'Édit de Nantes.
Au XIXe siècle, des migrations de grande ampleur s'amorcent en Europe. Entre 1815 et 1914, 2 millions d'immigrants entrent en France (migration souvent transfrontalière et de courte durée, avec la famille restée dans le pays d'origine) et, en sens inverse, 1,6 million de Français quittent le pays. Le véritable virage en matière d'immigration ne date que des années 1960, mais avec des caractéristiques très différentes (migrants venant de pays plus lointains et qui s'implantent avec leur famille).
Une population peu mobile
À l'intérieur même du pays, la population est très sédentaire. Les villageois trouvent pour la plupart leur épouse, leur époux dans leur hameau, dans leur village, dans un rayon d'une dizaine de kilomètres à peine...
Il y a bien sûr des gens qui migrent et qui gagnent les villes, mais ils meurent plus tôt (ils réduisent leur espérance de vie de sept ans en gagnant la ville au XVIIe siècle) et, s'ils survivent, ils ont réduit leurs chances de trouver un conjoint et ont des taux de fécondité plus faibles. Les descendants actuels des paysans d’autrefois sont toujours principalement groupés autour de la région d'origine.
Une étude CNRS-INRA menée par le Pr. Jacques Dupâquier montre ainsi, en étudiant 300 ans de mobilité, que 85 % des descendants d'une famille donnée habitent, en 1989, dans un rayon de... 50 kilomètres seulement autour du village d'origine du XVIIe siècle !
À partir du XIXe siècle cependant, la pression démographique devient telle que, moyens de transport aidant, près de la moitié de chaque génération quitte son village natal pour gagner la ville.
Conséquences pour la recherche
Dès qu'il aura passé quelques générations, le chercheur d'ancêtres trouvera donc le plus souvent ses aïeux dans un mouchoir de poche.
Dans 75 % des cas, les ancêtres de son grand-père se répartiront seulement sur deux départements : celui de son lieu de naissance et un département limitrophe - ce qui facilite considérablement la recherche.
En revanche, une généalogie descendante peut apporter son lot de cousins d'Amérique ou d'huguenots suisses...